Comparaison du régime occidental par rapport au régime méditerranéen, implication du microbiote intestinal dans la régulation du système immunitaire : rôle dans la santé et la maladie
1. Introduction
Les maladies les plus répandues de notre époque telles que l’obésité, le diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires et certains types de cancer sont en augmentation dans le monde. Toutes partagent un état inflammatoire, avec des fonctions immunitaires altérées fréquemment causées ou accompagnées d’altérations du microbiote intestinal.
Ces maladies multifactorielles ont également en commun une dénutrition. Dans ce contexte, l’alimentation est le plus grand modulateur de l’interaction entre le système immunitaire et le microbiote intestinal.
Le régime occidentalisé (RO) est en partie responsable de la prévalence accrue des maladies de civilisation affectant négativement à la fois le microbiote intestinal et le système immunitaire.
Le régime méditerranéen (RM), influence positivement le système immunitaire et le microbiote intestinal, et est proposés non seulement comme un outil potentiel dans la gestion clinique de différentes maladies mais, aussi pour la prévention et la promotion de la santé à l’échelle mondiale.
2. Muqueuse intestinale et immunobiologie de l’intestin
Structurellement, deux divisions principales sont distinguées : les villosités intestinales, impliquées dans l’absorption et le transport des nutriments et les cryptes, où se trouvent les cellules souches.
Le gros intestin ne présente pas de villosités intestinales. L’épithélium intestinal est principalement formé par les cellules épithéliales appelées entérocytes, cellules spécialisées dans l’absorption des nutriments et l’entrée des substances de la lumière intestinale dans le sang, et qui assument ainsi un rôle clé dans la barrière intestinale et la captation des antigènes.
Les cellules caliciformes sont des éléments tout aussi importants de l’épithélium intestinal, en particulier dans le gros intestin, et sont responsables de la production et de la sécrétion de mucine, une glycoprotéine agissant comme un agent protecteur qui empêche l’entrée et l’invasion de micro-organismes dans les différentes couches intestinales.
D’autres composants de l’épithélium doivent être mentionnés, notamment les cellules spécialisées dans les réponses immunitaires contre les parasites eucaryotes et agissant comme un capteur du microbiote intestinal pour l’hôte, les cellules de Paneth, spécifiquement localisées dans le cryptes intestinales et responsables de la production de peptides antimicrobiens, contrôlant ainsi la composition du microbiote intestinal. Bien qu’elles soient normalement limitées aux cryptes de l’intestin grêle et en très faible proportion dans les premières régions du gros intestin (du cæcum au côlon transverse), les cellules de Paneth peuvent également être trouvées dans des conditions pathologiques inflammatoires, telles que les maladies inflammatoires de l’intestin dans les parties finales du gros intestin, elles sont alors appelées cellules de Paneth métaplasiques.
Les cellules tuft sont des sentinells spécialisées dans les réponses immunitaires contre les parasites eucaryotes et agissant comme un capteur du microbiote intestinal pour l’hôte.
Les cellules entéroendocrines (cellules L) sont des cellules productrices d’hormones, régulant l’appétit, la composition du microbiote intestinal et l’intégrité de l’épithélium intestinal.
Immédiatement sous l’épithélium, la lamina propria où se retrouvent une pléthore de cellules immunitaires organisées dans des tissus lymphoïdes appelés GALT (tissus lymphoïdes associés à l’intestin). C’est un système extraordinairement complexe, qui a co-évolué et s’est développé avec une grande variété de micro-organismes, entretenant un dialogue continu avec eux et assumant également des fonctions importantes dans la nutrition cellulaire, la tolérance aux antigènes.
Le GALT est un type de MALT (tissu lymphoïde associé à la muqueuse), avec des fonctions essentielles dans l’homéostasie intestinale.
La surface de l’intestin grêle et du gros intestin représentent une structure de 32 m 2 , avec environ 10 14microbes commensaux et plus de 30 kg de protéines alimentaires mesurés annuellement qui peuvent être contrôlés et tolérés par le GALT.
Le nombre de cellules dans le GALT augmente progressivement du duodénum aux portions finales du gros intestin, selon la présence plus élevée de micro-organismes.
Différentes cellules immunitaires peuvent être détectées formant le GALT, notamment les lymphocytes T et B, les cellules dendritiques (CD) et les macrophages, entre autres. Ces cellules sont recrutées dynamiquement du corps vers l’intestin, en fonction de différents stimuli dans des conditions de santé et de maladie.
De plus, il existe des lymphocytes intraépithéliaux situés au niveau de l’épithélium intestinal, interagissant avec les différents micro-organismes et cellules de l’intestin.
Les cellules microfold jouent un rôle clé dans la capture et la translocation des microbes et des molécules de la lumière intestinale, reconnues par la suite par les DC, puis interagissent avec les cellules T et B conduisant à une régulation de la réponse inflammatoire et à la sécrétion d’immunoglobuline A (IgA), modulant ainsi les communautés microbiennes.
3. Base de l’interaction entre le microbiote intestinal et le système immunitaire
La présence de certains types de micro-organismes et de leurs métabolites semble être critique pour l’homéostasie et l’immunité de l’hôte, comme le résume la ci-après .
L’alimentation est un régulateur central du microbiote intestinal et des cellules immunitaires. Ainsi, démêler le lien entre la nutrition, le microbiote intestinal et le système immunitaire est essentiel pour comprendre le lien entre le microbiote intestinal et le système immunitaire.
La présence de microbiote intestinal sain
Leurs produits et métabolites sont détectés par les différentes cellules situées dans la muqueuse intestinale.
Les cellules dendritiques peuvent capter des antigènes et les présenter au niveau de la plaque de Peyer ou du nœud mésentérique, conduisant à une différenciation Th naïve.
Certaines bactéries peuvent être trouvées dans la plaque de Peyer qui régulent également le devenir de Th.
Certaines autres bactéries peuvent adhérer à l’épithélium favorisant la libération de cytokines pour moduler la réponse immunitaire. Ces reconnaissances sont principalement dues aux récepteurs de type Toll ou aux récepteurs de type Nod conduisant à l’activation de l’inflammasome NLRP3/NLRP6.
Ensuite, dans l’eubiose intestinale, les cellules activées mèneront une réponse appropriée, qui comprend une production accrue de mucine par les cellules globet, une augmentation des jonctions serrées par les entérocytes et la sécrétion de substances antimicrobiennes par les cellules de Paneth ou d’IgA par les cellules B. De même, l’équilibre entre Treg/Th17 et les cytokines pro-inflammatoires et anti-inflammatoires est vital pour la régulation des réponses immunitaires, collaborant à une réponse adéquate, non exacerbée, mais aussi à la tolérance.
Dans des conditions pathologiques
Dans des conditions pathologiques de dysbiose, cet équilibre est rompu et un environnement inflammatoire est créé contribuant à un recrutement immunitaire proinflammatoire induit par cette dysbiose.
4. L’alimentation comme principal modulateur entre le microbiote intestinal et le système immunitaire : implications pour la santé et la maladie
Le régime alimentaire est décrit dans la littérature scientifique comme le facteur le plus caractérisé qui façonne le microbiote intestinal et le système immunitaire mais, d’autres facteurs liés au mode de vie ne doivent pas être omis tels que l’exercice physique et l’horloges circadiennes.
L’alimentation a un effet rapide sur la composition du microbiote intestinal, ce qui favorise la croissance de certains groupes bactériens par rapport à d’autres, ainsi que des modifications du pH intestinal, de la perméabilité intestinale, des métabolites bactériens et donc de l’inflammation.
Les macronutriments, en particulier les glucides, semblent être les mieux décrits, alors que les impacts protéiques et lipidiques sont moins bien définis.
Les micronutriments ne sont pas un point mineur à considérer étant donné que les carences en vitamines, par exemple, altèrent la fonction de barrière et la réponse immunitaire dans le GALT.
Les interactions entre le système immunitaire et le microbiome vont de pair avec l’alimentation. L’évolution humaine a joué un rôle central dans ces adaptations. Cependant, il est important de comprendre que ces changements ne doivent pas être attribués à certains aliments ou macronutriments mais, à l’ensemble de la composition du régime alimentaire. Ainsi, la malnutrition dans les pays occidentaux contribue à un état d’inflammation chronique et à des problèmes métaboliques, alors que la sous-alimentation typique des pays sous-développés entraîne des déficits nutritionnels, et donc des immunodéficiences.
L’immuno-nutrition, qui consiste à modifier l’apport en nutriments pour moduler les réponses immunitaires.
L’alimentation induit des changements dans le microbiote intestinal que l’on pourrait appeler la programmation nutritionnelle interagissant avec les fonctions métaboliques et le système immunitaire. Dans ce contexte, les pathologies liées au métabolisme dépendent fortement de la prise alimentaire qui est soumise à l’axe intestin-cerveau modulant le contrôle de l’appétit ainsi qu’aux métabolites microbiens jouant un rôle prépondérant dans la santé.
La modulation nutritionnelle peut servir de traitement adjuvant des maladies mais, elle peut également contribuer à la prévention ou simplement garantir une meilleure qualité de vie.
En résumé, les composants alimentaires peuvent avoir un effet direct sur la barrière intestinale conjointement avec le microbiote intestinal et leurs métabolites, modulant ainsi le système immunitaire chez l’hôte. Cependant, il est important de comprendre que plutôt que la quantité, la qualité des aliments et de leurs densité nutritionnelle sont supposés être le facteur le plus déterminant d’une alimentation saine/malsaine. Les régimes alimentaires occidentaux sont riches en produits raffinés et malsains et pauvres en micronutriments tels que la vitamine A ou D et pauvres en fibres responsables d’une faiblesse des jonctions serrées et d’une dysrégulation immunitaire proinflammatoire au long cours. En revanche, certains composants fonctionnels présents dans les régimes alimentaires sains tels que les probiotiques, les prébiotiques et les polyphénols jouent un rôle prépondérant dans la restauration d’un intestin fonctionnelagissant de ce fait de manière positives sur les « maladies de civilisation » diabète de type2, hypertension, maldies cardiovaculaires, certains cancers, les maladies neurodégénératives…..
5. Le régime méditerranéen comme modèle d’alimentation saine
Le régime méditérranéen (RM) montre plus de preuves scientifiques quant à ses effets et avantages.
Ce régime se caractérise par une combinaison :
1. de glucides très complexes dans les fibres que l’on trouve dans les céréales, les légumineuses, les légumes, les fruits,
2. d’acides gras polyinsaturés aux propriétés antiathérogéniques et anti-inflammatoires que l’on trouve dans l’huile d’olive et les noix, de composés bioactifs aux propriétés antioxydantes tels que les flavonoïdes, les phytostérols, les terpènes et les polyphénols.
3. un parfait équilibre des micronutriments abondants dans cette alimentation : notamment des vitamines et des minéraux, permettant d’éviter la malnutrition et les immunodéficiences.
Le système immunitaire a besoin de coopérer avec un groupe de substances pour remplir correctement ses fonctions et certaines d’entre elles sont requises à des concentrations plus élevées en fonction de l’état de santé et du patient.
Les aliments riches en nutriments permettent au corps de réparer l’inflammation déclenchée par des régimes pauvres en nutriments et riches en calories, contribuant ainsi à atténuer les facteurs de risque cardiovasculaire entre autre.
L’adhésion au RM est corrélée au rétablissement de l’eubiose du microbiote à mesure que les Bacteroidetes et certains groupes bénéfiques de Clostridium se développent, tandis que les phylums des Proteobacteria et des Bacillaceae diminuent. Ainsi, comme le microbiote intestinal représente un facteur indicatif de l’état de santé de l’individu, c’est aussi un facteur qui dénote de l’adhésion à un type de régime alimentaire sain, comme le RM.
La consommation d’une plus grande quantité de protéines animales présentaient un rapport Firmicutes:Bacteroidetes plus élevé et une moins bonne adhésion au RM, tandis que ceux qui consommaient moins de protéines animales avaient une concentration plus élevée de Bacteroidetes et un rapport plus faible, ainsi qu’une meilleure adhésion au RM.
La consommation de polysaccharides et de protéines végétales est associée à des concentrations plus élevées d’acides gras à courtes chaines (AGCC) et une meilleure adhérence au RM.
Le régime alimentaire occidental (RO)favorise un état pathologique du microbiote entraînant unemodification du rapport Firmicutes:Bacteroidetes, qui peut être atténué par le RM à mesure que les bactéries favorables et la production de leurs métabolites augmentent tandis que les niveaux de dysbiose et de LPS diminuent. Ces constatations sont importantes dans la prise en charge de certaines pathologies sur le plan alimentaire faisant du RM une stratégie permettant la modulation du microbiote de l’hôte engendrant différentes réponses locales et systémiques. Ce type d’alimentation est également associé à une plus grande diversité et à une meilleure fonction de barrière intestinale et à une meilleure perméabilité comparées à celles observées pour les régimes occidentaux.
En effet, plusieurs essais d’intervention nutritionnelle basés sur le RM ont recueilli les adaptations les plus pertinentes induites par ce régime dont les suivantes :
6. Conclusions
Le microbiote intestinal est considéré comme un organe unique jouant un rôle essentiel dans l’homéostasie de l’hôte et différentes communautés microbiennes peuvent influencer directement le système immunitaire. Comme le résume ci-après, l’alimentation est le facteur environnemental le plus important affectant positivement ou négativement à la fois le microbiote intestinal et le système immunitaire, bien que de nombreux autres éléments doivent être pris en compte pour bien comprendre cette interaction complexe.
L’allaitement est le premier contact du corps humain avec des prébiotiques naturels. De même, d’autres composants du lait maternel interagissent avec le système immunitaire du bébé, par exemple les AGPI, les cytokines, les allergènes, les immunoglobulines et les chimiokines.
D’autre part, le vieillissement est un autre événement critique dans lequel le microbiote intestinal peut jouer un rôle central car, la compétence immunitaire diminue avec le vieillissement : un événement appelé immunosénescence et inflammation. Se concentrant sur le vieillissement en bonne santé, les études actuelles tentent d’améliorer la qualité de vie des personnes âgées. Dans cette lignée, la neurodégénérescence et la neuroinflammation associée entraînent des réductions de la diversité des bactéries bénéfiques, telles que les lactobacilles et démentent l’hypothèse selon laquelle le microbiote digestif a un impact direct sur le vieillissement.
En résumé
L’alimentation module à la fois le système immunitaire et le microbiote intestinal, établissant un dialogue bidirectionnel avec les voies de signalisation ou la production de métabolites qui s’influencent mutuellement.
En cas de dénutrition, les carences en micronutriments sont assez fréquentes et déterminantes de la physiopathologie des immunodéficiences et des maladies inflammatoires. Tels sont les cas des maladies neurodégénératives, de l’obésité, du diabète de type 2, du syndrome métabolique, des malades cardiovasculaires et su syndrome de l’intestin irritable entre autres. Ces maladies sont généralement répandues dans les pays développés, où les modèles de RO sont la norme.Le RO se caractérise par des apports élevés en glucides et en graisses saturées, et comprend une «matrice alimentaire» de faible qualité, qui est raffinée et ultra-transformée avec des sucres et des additifs ajoutés. En revanche, l’adhésion à un RM peut améliorer l’inflammation et la dysbiose du microbiote intestinal grâce à son abondance en AGPI, fibres alimentaires, polyphénols, vitamines et oligo-éléments, tous nécessaires pour atteindre un équilibre adéquat entre les Th17/Treg chez l’hôte et garantir une haute diversité du microbiote.
Les carences nutritionnelles doivent être traitées personnellement en évaluant l’état de santé du patient et en prodiguant des recommandations non seulement en ce qui concerne les suppléments mais aussi en termes d’habitudes alimentaires saines.
Les composants alimentaires ne peuvent pas être traités individuellement.
Les carences en micronutriments et parfois aussi les excès peuvent être déterminants dans l’apparition d’un agent pathogène opportuniste et la réduction des bactéries bénéfiques telles que Lactobacillus et Bifidobacterium. Par conséquent, dans le traitement de la malnutrition, cibler la reprogrammation du microbiote implique des probiotiques ainsi que la correction des composants nutritionnels qui sont déficitaires. Ce faisant, certaines bactéries se développeront fournissant des AGCC ou d’autres métabolites permettant d’atteindre l’immunocompétence de l’hôte.